Portrait du mois d'avril

Grandes Serres - Samuel Montgermont


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Master blender
Samuel Montgermont se définit comme assembleur. Assembleur de cuvées, de terroirs
et de cépages. C’est aussi un agitateur, de lignes et d’immobilisme…
Stratégie in situ
Il se multiplie pour mieux s’enraciner. Cairannais à Cairanne. Gigondassien à Gigondas,
Châteauneuvois à Châteauneuf-du-Pape. Sur chacun de ces terroirs, Samuel Montgermont a créé des wineries Grandes Serres, implantées au coeur des vignobles qu’elles vinifient. D’abord parce qu’il est convaincu que le transport en citerne nuit à la qualité du vin. Et ensuite, pour être proche du vignoble, le sentir, le comprendre, s’y sentir chez soi. « Tant que je n’étais pas implanté à Gigondas, je n’avais pas accès à l’identité et à l’image d’un négociant gigondassien », assure t-il. La grande différence entre une winerie du Rhône et une winery anglo-saxonne tient à l’importance de la dimension terroir dans son travail et sa philosophie.
Besoin de grandir
Parmi les projets qui lui tiennent à coeur, la création du premier monopole à Châteauneuf-du-Pape avec le Clos Saint Patrice, planté avant la Révolution. Un monopole dans le sens bourguignon du terme, c’est-à-dire un lieu-dit identifié, clos, protégeable juridiquement, entre les mains d’un seul propriétaire.
Après l’autorisation de la mairie et du cadastre de reclasser le clos, les murs ont été remontés et les ambitions affichées : franchir un palier en statut et en notoriété. Samuel sait très bien le style de vin qu’il veut et peut faire ici : des jus plus fins et plus élégants en appliquant des extractions plus légères et en réintroduisant de la rafle pour gagner en tension et en structure. « Châteauneuf-du-Pape est une très belle appellation, mais qui a perdu de sa suprême. Dans les cartes des restaurants, juste après la guerre, vous aviez grand cru Châteauneuf-du-Pape, puis premier cru Hermitage ou Cote Rôtie. Châteauneuf
était au-dessus. Aujourd’hui, c’est en dessous. Qu’est-ce qui s’est passé ? On a eu un creux. Si l’on s’oriente vers ces notions de classification de terroirs, là, on parle dans la cour des grands ».
Faire bouger les lignes
Autre vignoble qui le passionne : Cairanne, un jeune cru qui doit réussir son histoire. Il y a mis en place un modèle qui fait grincer quelques dents : une alliance négociant / coopérateurs inédite qui se traduit par la mutualisation de la cave coopérative avec l’accord du Préfet. Le deal est simple : les coopérateurs gardent toute leur liberté et autorisent les Grandes Serres à utiliser les outils qui sont mutualisés. En échange, le négociant amène sa lisibilité des marchés et son expertise technique. « Quand on a
commencé le projet en 2014, raconte t-il, les vignerons de la coopérative étaient rémunérés 90 € l’hecto,
quand le Cairanne se vendait 225. Une gestion catastrophique. Je ne sais pas si j’ai réussi ou pas, c’est encore un peu tôt. Mais ce que je peux vous dire, c’est qu’à la fin des vendanges, j’ai vu des gens qui avaient le sourire. Dans notre métier, comme dans beaucoup d’autres, c’est l’humain qui compte. Quand vous mettez l’humain en route, rien ne l’arrête ».
Tirer vers le haut
Les vinificateurs de la vallée du Rhône, c’est-à-dire ceux qui élaborent leur vin à partir de raisins achetés, il y a quinze ans, on les comptait sur les doigts des deux mains. Aujourd’hui, ils sont plus de soixante. « C’est un nouveau métier, assure Samuel Montgermont. La production et la coopération ne doivent pas en avoir peur. Travaillons ensemble ! ». Dans la vallée du Rhône, les producteurs se sont interdits la classification en crus. La seule chose que l’on peut écrire, c’est « cru des Côtes du Rhône ».
« Mais cela, dit Samuel, mon importateur américain n'en veut pas parce que son client ne comprendrait pas qu’un cru soit vendu 10€. Un Bourgogne pinot noir se vend plus cher qu’un Côtes du Rhône.
Pourtant, c’est sûrement moins bon. Cela parce qu’avant, il y a un Gevrey-Chambertin, un Romanée-Conti. Et l’appellation régionale suit. Si l’on tire vers le haut cette notion de cru de la vallée du Rhône, on gagnera tous ».