Interview du Président de l'UMVR sur le démarrage de campagne 2024

« Affronter la crise et repenser le modèle viticole »


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1/ Quelle est votre analyse de la situation actuelle des Côtes du Rhône ?

La crise actuelle est multifactorielle. Malheureusement, produire moins n’est jamais une bonne nouvelle, mais la petite récolte qui s'annonce pourrait nous offrir une respiration. Il est évident que l’on ne peut pas se réjouir de cette situation. Cependant, cela pourrait permettre de raffermir les prix, à condition de ne pas se tromper de direction. Il est essentiel que le prix socle redevienne décent.

Notre priorité doit être de reconstruire une hiérarchie qualitative solide sur un socle de qualité. Cela dit, il serait imprudent de penser que la situation va se redresser rapidement. Les outils de régulation mis en place doivent continuer à fonctionner, mais il ne faut pas que cette amélioration temporaire masque la gravité de la crise.

2/ Quelles sont les solutions à court terme face au contexte actuel ?

Des mesures d’urgence ont été mises en place par FranceAgriMer, notamment l’arrachage, mais il s'agit d'une réponse modeste face à l'ampleur de la crise. Je doute que cela soit suffisant à l’échelle des Côtes du Rhône. Il faudra continuer à soutenir les trois secteurs impactés : le négoce, les caves coopératives et les caves particulières.

Pour moi, il est crucial de recenser les outils performants de coopération. Nous devons valoriser des modèles qui fonctionnent, à l’image de la cave de Cairanne pour laquelle nous avons tout rebâti.

Les caves particulières de leur côté ont de grosse pressions bancaires. Il faut qu'elles soient aidées. Des demandes de report de charges sont déjà formulées.

Le négoce est également en grande difficulté. Il est important de ne pas stigmatiser cette partie de la filière. Il est inconcevable qu’on puisse penser qu’une marge s’est décalée au négoce. Nous subissons tous la pression financière liée à la gestion des stocks et des trésoreries. La crise affecte chaque acteur, à chaque niveau.

3/ Comment voyez-vous l’avenir de nos appellations ? Quels sont les enjeux du monde viticole de demain à moyen et long termes ?

À moyen et long termes, il est essentiel d'accepter que nous ne retrouverons pas les volumes de production du passé. Je ne crois pas à un redressement massif de la consommation. Il ne faut pas se voiler la face : les consommateurs continuent à s’intéresser au vin, mais ils en boivent beaucoup moins. Une tendance structurelle profonde pousse à une désaffection pour une consommation quotidienne de vin.

Le véritable combat, à mon sens, est la lutte contre la croisade anti-alcool. Nous sommes passés de repères de santé publique à une radicalisation du « no-alcool ». Si nous ne réagissons pas, nous risquons de perdre notre place culturelle et économique. Nous devons défendre nos modes de vie et les valeurs associées à la consommation modérée de vin.

Parallèlement, j’ai demandé à avoir des outils économiques plus précis. Par exemple, enregistrer nos transactions en conditionné, comme cela est prévu dans nos accords interprofessionnels, nous permettrait d'avoir une lecture plus fine des mouvements de marché. Nous devons anticiper, à l'image de la Champagne, qui fonctionne avec des flux mensuels. Professionnaliser nos outils de pilotage est indispensable pour garantir la pertinence de nos actions et de notre communication.