Interview de Samuel Montgermont - GRANDES SERRES

NOVEMBRE 2015


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Aux Grandes Serres, Samuel Montgermont sur tous les fronts

Ce Breton, juriste de formation et rockeur à ses moments perdus, parfois iconoclaste dans ses méthodes, secoue la maison de négoce de Châteauneuf-du-Pape et tente de la propulser à un haut niveau de qualité

Il a eu plutôt tendance à zigzaguer avant de se fixer - il aurait pu être avocat ou travailler pour un syndicat viticole avec son DESS du droit de la vigne et du vin en poche - mais voilà, c’est fait : Samuel Montgermont est, depuis quatre ans, le directeur général des Grandes Serres, une entreprise de négoce installée à Châteauneuf-du-Pape, propriété depuis 2002 de la famille Picard, une des plus anciennes maisons de Bourgogne basée à Chassagne-Montrachet. Une belle promotion pour ce Breton de 43 ans que rien ne prédestinait à exercer ce métier si ce n’est la passion du vin.

Un premier stage en vinification au domaine des Béates, une propriété que possédait alors Michel Chapoutier près d’Aix-en-Provence. Puis dix ans au Château de La Gardine… avant le grand saut dans l’inconnu : « Un courtier avec qui je déjeunais m’a dit alors ‘tiens, je sais qu’il recherche un directeur pour les Grandes Serres’, j’ai tenté le coup ». Non sans avoir un peu hésité, les Grandes Serres à l’époque n’ayant pas une très grande réputation… Le déclic, il l’a eu lors de sa rencontre avec Michel (le père) et Gabriel Picard (le fils) qui lui ont fait part de leur volonté de relancer la machine en partant sur un vrai concept de qualité. C’était en 2011.

« Ce qui m’a tenté, c’est le fait qu’ils m’aient donné l’opportunité de mener une entreprise comme si c’était la mienne. Dans la stratégie commerciale, dans le profil des vins, dans le choix des appellations et celui des élevages… je suis complètement autonome ». Et cette liberté, Samuel Montgermont l’a mise à profit pour remodeler les Grandes Serres. « Nous étions concentrés sur le vignoble de Châteuneuf-du-Pape, ce qui est fondamental,  mais nous avons essayé de mettre en place une véritable stratégie en élargissant le panel aux crus de la vallée du Rhône méridionale ». Aujourd’hui, 75% du chiffre est réalisé avec des châteauneuf-du-pape, gigondas, vacqueyras… et deux côtes-du-rhône-villages que Samuel Montgermont affectionne particulièrement : plan de dieu et cairanne.

« En repositionnant les Grandes Serres qui était une maison qui répondait oui à toutes les demandes, nous avons petit à petit gagné des parts de marché parce qu’au niveau des acheteurs, nous avons été plus clairement identifiés. Si l’on veut un cru du sud, on sait que l’on peut s’adresser à nous ». La nouvelle stratégie semble avoir payé : Grandes Serres faisait moins de 5 millions de chiffre il y a quatre ans ; près de 18 millions aujourd’hui.

 Rhône craft winery

« Ce qui est passionnant dans notre métier, ajoute le jeune directeur, ce n’est pas de faire de la  micro cuvée de 2 ou 3 000 bouteilles, même si l’on sait faire, mais de lancer un super assemblage de 100 000 cols pour une opération GMS où vous sortez premier dans un tasting à l’aveugle ! ». Ce qui n’exclut donc pas un travail soigné car l’exigence est la même. « Je me définis comme un négociant artisan mais comme on m’a interdit d’utiliser ce terme, n’étant pas inscrit au registre de la Chambre de Métiers, j’emploie celui de craft winery ».

Du sur mesure donc : « Pour faire mes volumes à Châteauneuf-du-Pape, je peux avoir jusqu’à 130 apporteurs. Savoir acheter et savoir comment on va assembler deux vins ensemble, c’est ça, franchement, qui me plaît le plus dans mon métier ».

Du sud… au nord

Se rendant compte que le transport du raisin, même s’il est fragile, est moins impactant que le transport du vin fini, Samuel Montgermont a cherché des lieux de stockage tout comme il a mis en place des caves de vinification. Son dernier « coup » ? Un partenariat avec la coopérative de Cairanne, placée l’année dernière en redressement judiciaire. Le vinificateur-négociant, qui avait déjà repris en location la chaîne d’embouteillage ainsi que d’importantes capacités de stockage a, depuis, signé un bail commercial qui lui permet d’exploiter la ligne de conditionnement pour ses propres besoins. Ses achats de récolte devraient être aussi vinifiés sur place, ce qui ne pose aucun problème pour la cave qui ne vinifie plus aujourd’hui que 16 000 hl pour une capacité de 60 000 hl.

« Plusieurs grandes maisons lorgnaient sur cette cave car tout le monde sait que c’est un bassin d’une extrême qualité, ajoute Samuel Montgermont. Je vais être un des négociants implantés sur Cairanne, qui peut vinifier et mettre en bouteille à Cairanne : un atout formidable quand on sait que cette appellation va passer en cru dans quelques mois ».

Autre chantier en perspective, la restructuration de  l’antique maison Denuzière à Condrieu, fondée en 1876, qui est aussi dans le parc de la famille Picard et dont il vient de reprendre la direction depuis le mois de janvier. Encore un essai à transformer…

Jean Calabrese