ETRE REALISTE
Samuel Montgermont, quelle est votre analyse de la situation actuelle des Côtes du Rhône ?
D’abord, saluons la performance des blancs dans la campagne ! Dans le bassin des Côtes du Rhône régionaux, ce segment s’est réveillé, et il émerge. La qualité des blancs est une force pour l’avenir.
En revanche, l’offre en rosé n’est pas alignée avec le marché. Ce segment en Côtes du Rhône doit travailler sur la technique. Nous avons raté le train du rosé de “type Provence”, alors innovons. Le rosé a pris un tel essor, qu’aujourd’hui tout le monde en boit. De très belles Maisons se positionnent sur les rosés de garde.
Certes ce ne sera pas un marché volumique dans un premier temps, mais prenons le leadership sur cette catégorie pour communiquer sur nos rosés et acquérir une légitimité dans cette offre, afin de créer un réflexe rosé du Rhône, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Il y a urgence, car le bassin de rouges ne se porte pas bien (déconsommation structurelle). D’autres idées comme “les rouges de Glace” sont à creuser, en termes d’image là aussi des Maisons du Rhône innovent mais c’est tout un bassin qui doit réagir… Et pourquoi pas des bulles ?
Les Crus et les Côtes du Rhône Villages avec noms géographiques se portent mieux, voire très bien. En vingt ans, je n’ai jamais vu un tel écart de prix entre les Crus et les Côtes du Rhône régionaux ! »
Comment voyez-vous le déroulement de la nouvelle campagne ?
« La nouvelle campagne commence avec des stocks de rouges élevés qui vont peser sur la campagne à venir.
Cependant, je pense qu’il y aura en début de campagne des transactions à un prix correct, en particulier pour les partenariats réguliers. Le risque de voir les prix chuter sera faute d’acheteurs en milieu de campagne.
Nous n’attendrons pas que les cours s’effondrent pour acheter, nous voulons conserver des partenaires “en bonne santé”.
Dans cette situation, profitons de constituer une réserve interprofessionnelle en bloquant une partie de la production. Cette dernière doit être vue comme une assurance récolte pour l’avenir et prévenir des aléas climatiques à répétition. »
Quelle est votre vision du marché à plus long terme ?
« Ce n’est pas tant une question de qualité que de consommateurs. Dans l’esprit des jeunes consommateurs, un Côtes du Rhône rouge 1er prix à 3 € TTC en grande distribution ne peut pas être bon… même s’il est bon ! C’est bien là le drame. Aujourd’hui, les études sociologiques montrent que si le prix reste le facteur d’achat n° 1, il pèse beaucoup moins dans la décision. Il faut travailler notre attractivité. Comment ? Certainement pas en arrachant les vignes ou en distillant les productions, ce serait un constat d’échec !
Nous souhaitons travailler avec nos amis producteurs sur un grand projet de MEDA (Mise en dormance active du vignoble rhodanien). Nous devons repenser la gestion de notre potentiel de production et l’adapter à nos projets (export, diversification, contractualisation…). Entre des vignobles malades et fatigués, une filière qui s’appauvrit, des crises de vocation et un âge moyen élevé de nos vignerons, il faut rebattre les cartes.
Au coeur de ce débat, il faudra aborder les sujets environnementaux : la capacité à produire à hauteur du rendement fixé par les cahiers des charges, car à surface égale exploitée, un rendement plus élevé est plus écologique (baisse de l’empreinte carbone et utilisation des énergies fossiles), le sujet de l’eau, mais aussi le sujet de la qualité au sens qualité du vignoble (mise en place de culture nettoyante et enrichissante par des
mises en jachère), profil des produits en phase avec le marché, notion du revenu par hectare (garantie des aléas climatiques)…
Il n’existe pas UNE solution mais nous devons produire UN bouquet de solutions, ce qui va permettre de nous poser les bonnes questions et probablement de mieux y répondre. »
Propos recueillis par
Cécile Poulain pour Le Vigneron des Côtes du Rhône – octobre 2022