Interview de Pierre Fabre - Château Mont Redon

MAI 2023

Le plus grand propriétaire de l'appellation Châteauneuf-du-Pape, qui produit aussi des Côtes-du-rhône et du Lirac, mène en parallèle une activité de négoce avec ses Gigondas et Côtes-de-provence rosé... Le tout avec brio

Même si l'on songeait à séparer les deux branches cousines Abeille et Fabre, on se rendrait vite compte que c'est impossible ! Car il n'y a dans les faits qu'une seule famille Abeille Fabre qui depuis un siècle maintenant a réussi l'exploit de ne jamais scinder la propriété familiale construite au fil des ans par l’ancêtre commun Henri Plantin. C'est lui qui en 1923 a racheté Mont Redon, une ferme sur le plateau avec ses 2,5 ha de vignes... C'est à lui que ses descendants doivent d'être aujourd'hui à la tête du plus grand domaine de Châteauneuf-du-Pape : 100 ha d'un seul tenant ! On peut y rajouter un second îlot de vignes qui jouxte le premier, constitué de 15 ha de Côtes-du-rhône acquis à partir de 1980 et 35 ha de Lirac à partir de 1997, sur la commune de Roquemaure (30).

Pierre Fabre, 4ème génération, dirige aujourd'hui le domaine avec le titre de président du directoire.  Il a étendu l'activité négoce de la propriété familiale et produit, depuis 2019, du Gigondas, une appellation qui se cale parfaitement entre Châteauneuf-du-Pape et Lirac. Il n'a pas pour autant renoncé aux acquisitions. Ainsi, en 2020, le château Mont Redon est devenu propriétaire du mythique Oratoire Saint-Martin des frères Alary à Cairanne (22 ha) et en 2022 du Domaine du Joncier à Lirac (27 ha), tous deux en biodynamie.

Le savoir-faire vigneron appliqué au négoce

A l'origine, la famille Abeille avait une propriété dans le Var : le château Riotor en Côtes de Provence. Les vins étaient faits sur place et c'était Mont Redon négoce qui les distribuait. Puis, cette propriété a été revendue mais le marché pour le rosé de Provence étant solide, il a été décidé de continuer avec la marque Saint-Max qui commercialise en moyenne 40 000 à 80 000 bouteilles de côtes de Provence rosé grâce à des partenariats locaux. "La première phase du Côtes de Provence, souligne Pierre Fabre, c'était la distribution d'un vin de propriété ; la deuxième phase, c'est carrément du pur négoce ».

Schéma différent pour l'appellation Gigondas. Mont Redon négoce achète des lots très tôt et dès que les vins sont autorisés à circuler, les retire rapidement pour élever et préparer les cuvées puis procéder à la mise en bouteilles. Il n'y a pas de modification d'assemblages pendant l'année. « Mis à part la provenance des raisins, nous procédons dans le négoce de la même manière qu'à la propriété ».

La différence se voit sur l'étiquette : Château Mont Redon pour les vins de la propriété ; Réserve Mont Redon pour la partie négoce qui a vocation à répondre aux demandes des clients. Pour les Côtes-du-rhône par exemple (blanc, rouge et rosé), le Domaine qui n'a pas assez de vignes se tourne vers les marchés. En essayant toujours d’égaler un style vin de propriété, basé sur la finesse et d'une grande pureté : « C'est un goût de famille qui date depuis toujours chez nous ! » ajoute avec le sourire Pierre Fabre.

Quant à l'Oratoire Saint-Martin et au Domaine du Joncier qui sont autonomes, une fois les vins élevés et mis en bouteilles sur place, Mont Redon devient pour eux un centre logistique qui assure la distribution.

Jean Calabrese

REPERES

9 500 : en hectolitres, la production globale moyenne de Mont Redon dont 40% pour la propriété.

60 : en pourcentage, la part du négoce en volume (pour 30 % du chiffre d'affaires).

100 : en nombre d'hectares, la superficie du vignoble de Mont Redon en Châteauneuf-du-Pape, le plus grand domaine de l'appellation.