Interview de Michel Chapoutier - La Maison M. CHAPOUTIER
MARS 2017
Ancrée à Tain l’Hermitage, la célèbre maison rhodanienne a essaimé tous azimuts, en France (Alsace, Languedoc) mais aussi à l’étranger (Australie, Portugal, Espagne) en multipliant son chiffre d’affaire par 25 en 25 ans. Jusqu’à devenir la marque de vin française « la plus admirée dans le monde ».
A le voir partir dans tous les sens, on pourrait le croire versatile. Mais Michel Chapoutier n’a jamais varié d’un pouce quant à sa philosophie de la vigne et du vin, depuis qu’il a repris en 1990 la maison de négoce de sa famille à Tain l’Hermitage. Lui, le Drômois qui n’a pas oublié ses racines ardéchoises, parti jeune faire ses classes dans les plus prestigieux domaines de Californie, n’a qu’un seul mot à la bouche : le terroir.
« Au cours de ce voyage aux Etats Unis, dit-il, j’ai découvert une œnologie extrêmement tournée vers le marketing. Les winemakers étaient dans cette approche très moderne axée sur le marché ‘ je fais le vin pour le goût de mon client’. Je me suis dit que si nous voulions jouer l’approche vin uniquement à la mode des Américains, nous étions battus d’avance. »
Lui n’avait qu’une obsession : le terroir, unique alchimie entre le sol, le climat et l’humain. « Sur ce terrain-là en France, avec plus de 20 siècles de tradition viticole, nous sommes irrattrapables, à condition de ne pas le tuer. » C’est pourquoi quand il est revenu dans la vallée du Rhône, il a souhaité remettre de la microbiologie dans ses sols. « J’avais ces convictions qui ne passaient pas dans ma famille. Au bout d’un moment, il y a eu un arbitrage de mon grand-père et j’ai racheté la maison en 1990. L’année suivante, j’ai tout basculé en biodynamie. »
Une soixantaine d’ha à l’époque, dont de fabuleuses parcelles en Hermitage, bastion de la maison. « C’était difficile mais le jeu en valait la chandelle. » Depuis, M. Chapoutier s’est agrandie en France et à l’étranger mais toujours avec cette même philosophie qui consiste « à prendre des photos du terroir.» Ce qui implique des sélections parcellaires strictes, la règle du jeu étant : je ne vais pas corriger mon millésime. « Au lieu de dire je vais avoir une sélection parcellaire qui a toujours le même goût, nous acceptons les différences de goût année après année. A nous de faire comprendre ces subtilités au consommateur. » Ce qui n’a pas été évident au début, quelques clients historiques lui reprochant même de ne plus se retrouver dans ces vins. « Il y en a même qui m’ont dit, Chapoutier, c’est du gros rouge qui tache ! ».
Mais cette singularité a aussi attiré les journalistes et Michel Chapoutier a ainsi été parmi les plus jeunes à décrocher un 100/100 par Rober Parker dès le millésime 89. Le magazine Wine Spectator n’a pas été en reste en sortant très vite de très belles notes tout comme la Revue du Vin de France qui lui décernait au début des années 1990 le titre de meilleur négociant. « Mais dans ces histoires-là, il faut toujours reconnaître la part de chance…. ». Aujourd’hui, M.Chapoutier est classée par le magazine Drinks International marque de vin française « la plus admirée dans le monde » dans son classement annuel.
Cette philosophie du terroir, Michel Chapoutier l’applique aussi à l’ensemble des vins qu’il produit, en se disant que l’image de la maison, il fallait qu’on la trouve aussi dans ses vins entrée de gamme pour lesquels s’applique donc le même principe de recherche d’excellence. « Le but d’un négociant, ce n’est pas d’économiser sur l’achat. Ou alors il est à côté de son job. Le but d’un négociant, c’est de créer une valeur ajoutée ». Ce qu’il sait faire à merveille, son côtes-du-rhône générique étant vendu dans plus de 150 pays. « Mais, prévient-il, tout comme la France gastronomique s’est sauvée par sa bistronomie, la viticulture d’élite française ne sera sauvée que par ses appellations régionales. » Un combat qu’il mène tambour battant à Inter Rhône qu’il préside depuis 2014.
Aujourd’hui, Michel Chapoutier commercialise plus de 10 millions de bouteilles et continue sa croissance. Sa société compte quelque 200 salariés. Son épouse Corinne travaille à ses côtés et ses enfants Mathilde et Maxime s’apprêtent à prendre la suite. Chez les Chapoutier, les prénoms se doivent de commencer par un M, «pour éviter de refaire les étiquettes » souligne avec malice celui qui a pour devise « Fac & Spera » : fais et espère…
Jean Calabrese
REPERES
Maison M.Chapoutier
Président : Michel Chapoutier ; Directeur marketing : Corinne Chapoutier
CA HT en 2015 : 43 millions d’euros
Production : 10 millions de bouteilles (plus de 50% à l’export)
Téléphone : 04 75 08 28 65
